Enseignant-chercheur de gestion des ressources humaines à l’emlyon, Olivier Bachelard a commencé sa carrière dans de grands groupes où il était chargé du recrutement. Auteur d’une dizaine d’ouvrages sur le bien-être au travail et le recrutement, il porte sur le sujet un regard actuel, conscient du challenge pour les entreprises.
Avec la digitalisation et les récents confinements, les modes de recrutement ont-ils évolué ?
« La crise Covid a accéléré la recherche de cohérence et le sens du travail (ambiance, échange, service, activité) avec une attention toute particulière sur les moyens mis à disposition par l’entreprise pour mener à bien sa tâche. Ces nouveaux modes poussent les entreprises à accompagner leurs futurs salariés vers un auto-management. Le télétravail d’abord subi est devenu choisi et il faut donc être très au clair avec ce que l’on va vendre aux futurs collaborateurs. Le cadre réglementaire, la description précise du poste et de son mode de travail ne doivent pas être laissés au hasard. Le premier entretien s’apparente donc à un temps de relation commerciale où l’on approche le candidat comme un prospect. »
Question de sourcing
Pour attirer, il faut être créatif dans ses annonces, sans compter uniquement sur la rémunération. Toutes ces notions de lien social, d’état d’esprit et de services entrent énormément en ligne de compte. La pénurie de candidats nous force aussi à faire très attention au sourcing. Il y a une dizaine de modes de sourcing différents aujourd’hui et bien malin celui qui peut dire lequel est le plus performant. Dynamiser la marque, participer à des tchats, soigner les annonces, donner envie pour les candidatures spontanées avec notamment des classements comme Great place to work… L’entreprise doit ouvrir ses cibles de sourcing pour drainer un maximum de candidats correspondant au profil.
Recruter est un vrai défi aujourd’hui ? Comment rester attractif sans dépasser ses limites ?
« Recruter devient aujourd’hui très compliqué, car l’entreprise, ou le cabinet, doit se vendre, s’adapter, repenser ses espaces de convivialité et remettre en cause son approche pour donner envie à un maximum de candidats. Ce qui peut être gagné avec le télétravail doit être réinvesti dans les structures et les services proposés. Il est évident que pour accueillir ces nouveaux profils, il faut penser l’entreprise autrement. Le dirigeant doit être en capacité de » bricoler intelligemment » toutes ces nouvelles notions pour arriver à une réalité sociale et évolutive pour tous les acteurs de l’entreprise. La sociologie qui va composer l’entreprise avec des profils complémentaires et de nouveaux arrivants est capitale. Cette vision intergénérationnelle est importante pour que tous se retrouvent dans un fonctionnement. »
L’impact de la digitalisation est-il irréversible ?
« La digitalisation va en s’accentuant et avec elle des aspirations différentes pour la nouvelle génération. On ne revient pas en arrière de toute façon. Nous sommes dans un monde volatile et l’entreprise doit être en perpétuel mouvement pour faire face à cette incertitude. Il faut s’interroger pour trouver des modes de fonctionnement optimisés. Recruter aujourd’hui est un peu de l’art. Il faut trouver le bon réglage, qui dépend de son bassin d’emploi, du domaine d’activité, de sa taille ou encore de son modèle d’affaires. C’est un sacré challenge mais des réflexions collectives peuvent être intéressantes via les organisations professionnelles, les acteurs locaux, les réseaux d’entreprises. Tout l’enjeu est de réinterroger notre façon de travailler, d’être proactif pour transformer ces nouvelles contraintes en opportunité. »