Depuis plusieurs mois, l’Ordre, tant au niveau national que régional, interpelle l’administration fiscale pour avoir des réponses claires et écrites à des interrogations persistantes concernant le nouveau régime d’imposition des rémunérations versées aux associés des SEL. Éclairages.
Trois questions à : Pierre-Yves Lagarde, société Imani, spécialiste des systèmes de rémunération
Que sait-on aujourd’hui ?
« Que les associés des SEL doivent déclarer leurs revenus par un formulaire 2035, mais qu’ils ne sont pas pour autant des entrepreneurs individuels. Donc ils ne paieront pas de CFE, ne seront pas soumis à la TVA ni à l’obligation de facturation. D’un point de vue pratique, nous savons que leur inscription doit être réalisée auprès des SIE – et non de l’INPI comme initialement prévu –, ces services étant eux-mêmes en train de découvrir les formulaires ad hoc. Il est prudent de “se hâter lentement”, selon le SIE dont dépend le contribuable, car ils n’ont pas encore tous appréhendé la problématique de la même manière. Nous savons aussi, sur préconisation du CNOEC, qu’il faut comptabiliser les rémunérations afférentes aux fonctions techniques des associés dans un compte 641. Enfin, sur conseil de son expert-comptable, la SEL et ses associés doivent prévoir juridiquement les modalités de rémunération des associés.
Où persistent encore des interrogations ?
Les professions libérales de santé, réglementées, comme les notaires, les avocats, ou encore les architectes… doivent adopter le régime BNC (bénéfices non commerciaux) pour la rémunération de leurs fonctions techniques. Sauf les pharmaciens dont les bénéfices tirés de l’exploitation de leurs officines sont imposables au titre des BIC (bénéfices industriels et commerciaux). Nous attendons toujours une réponse écrite de l’administration fiscale quant à cette situation, dont l’incertitude doit être levée avant les déclarations de revenus de mai-juin 2025. Autre interrogation : qui est concerné par ce nouveau régime d’imposition quand on évoque le cas de sociétés de droit commun (SDC), statut parfois choisi par les avocats ou les notaires ? D’autres questions restent sans réponse de la part de la Direction de la législation fiscale (DLF).
Quelles sont les conséquences quant aux points flous qui persistent ?
Malgré des échanges permanents et réguliers avec l’administration fiscale depuis près de deux ans, nous constatons une surcouche de complexité à la française et un manque de réponses claires. Sur ce sujet, nous allons tous, entreprises, cabinets et administration fiscale, apprendre en marchant. »
Dates clés
• Avant le 15/12/2022. Les associés de SEL qui exercent leur activité dans cette société, et qui n’ont de ce fait pas de clientèle personnelle, devaient déclarer leur rémunération en traitements et salaires ou en article 62 du Code général des impôts (CGI,) selon les cas.
• Depuis le BOFIP du 15/12/2022 puis celui du 05/01/2023. L’administration harmonise le traitement fiscal des associés de SEL et soumet tous les revenus des professionnels libéraux exerçant en SEL au régime des bénéfices non commerciaux (BNC), pour la partie correspondant à leurs fonctions techniques, sauf lien de subordination. En l’absence de lien de subordination, les associés (dirigeants ou non) d’une SEL (Selafa, Selas, Selarl et Selca) sont imposés au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette SEL dans la catégorie des BNC. Lorsqu’il est établi qu’un lien de subordination existe entre l’associé et la SEL au titre de l’exercice de cette activité, ces rémunérations sont imposées dans la catégorie des traitements et salaires (TS).
Damien Cartel, président de l’Ordre des experts-comptables Auvergne-Rhône-Alpes
« Nous avons du mal à comprendre comment un impact aussi faible sur les finances publiques peut avoir un impact aussi important sur nos clients et nos cabinets qui doivent les conseiller. L’Ordre a rédigé des notes techniques très détaillées sur des problématiques concrètes, comme la compatibilité avec les contrats de prévoyance Madelin, des questions d’assurance des professionnels libéraux ou encore des informations techniques communiquées très tardivement. Malgré cela, des questions restent en suspens auprès de la DGFIP. Nos cabinets devront vulgariser pour informer et conseiller au mieux leurs clients. Mais on risque de passer à côté de certains sujets. »
À retenir
Quid de la fonction de gérance ?
Pour des gérants majoritaires de Selarl, l’administration indique que les rémunérations allouées au titre de la fonction de gérance et relevant de l’article 62 du CGI sont celles allouées à des tâches qui ne sont pas réalisées dans le cadre de l’activité libérale comme :
- les représentations de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers ;
- les convocations d’assemblée ;
- les décisions de déplacement du siège social de la société.
En revanche, sont exclues de ces fonctions et relèvent de l’activité libérale les tâches de nature administrative mais inhérentes à la pratique de l’activité libérale comme :
- la facturation du client ou du patient ;
- l’encaissement ;
- les prises de rendez-vous ;
- les approvisionnements de fournitures ;
- la gestion des équipes ;
- la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription.