« L’incitation fiscale n’est pas le premier moteur »
Pauline Restoux, fondatrice et directrice de l’agence In Medias Res
Pourquoi avoir lancé des actions de mécénat au sein de votre agence ?
« Nos actions de mécénat (financier ou de compétences) sont au départ nées de rencontres et de convictions personnelles, puis nous avons progressivement structuré notre démarche. Cela s’est révélé être un atout pour notre marque employeur et démontrer la réalité de nos valeurs, pour notre image (les clients sont attentifs aux sujets RSE) et surtout, pour notre impact sociétal sur le territoire. L’incitation fiscale n’a jamais été déterminante. »
Comment avez-vous choisi les structures mécénées ?
« Notre métier, c’est d’expliquer des choses compliquées. Nous sommes amenés à expliquer ces choses difficiles à des profils qui vont de l’expert d’un sujet à quelqu’un qui n’y connaît rien voire, qui a des difficultés pour lire. Comment savoir communiquer auprès d’un public aussi varié si nos équipes ne s’y confrontent pas. C’est, par exemple, ce qui a motivé notre action de mécénat avec le CCO de Villeurbanne, qui travaille en lien avec des publics éloignés de l’emploi ou des réfugiés… Nous avons choisi un prisme finalement très rationnel qui a aussi cet intérêt de justifier certains refus sans paraître arbitraire. Définir un cadre en lien avec son activité professionnelle permet aussi de structurer ses choix. »
Un conseil lorsqu’on se lance dans le mécénat ?
« Le piège est de ne pas avoir d’éléments objectifs pour décider. Il faut se doter d’un cadre, définir son champ d’actions et s’accorder aussi sur le fait que ce périmètre n’est pas immuable. Il peut vivre pendant deux ans et être revu par la suite. Il faut aussi être très vigilant sur sa façon de communiquer sur ce mécénat pour surtout ne pas se doter d’une vertu que l’on aurait bien du mal à justifier. »
« Le mécénat de compétences comme credo »
Judith Baudelet, associée Algoé
Comment avez-vous structuré vos opérations de mécénat ?
« Nous avons une politique de mécénat diversifiée avec une forte dominante sur le mécénat de compétences basé sur le don/contre don. Pour donner de la visibilité et de la cohérence, nous avons créé, sur initiative de salariées, il y a 20 ans, un modèle précurseur au travers d’une association qui met à disposition d’autres associations des accompagnements sur mesure pour les aider dans leurs projets. Elle constitue un élément différenciant de l’image de notre entreprise, porteur de valeurs et de sens pour les collaborateurs et un élément attractif dans le recrutement. Une trentaine de collaborateurs d’Algoé sont impliqués en moyenne chaque année y compris des alumnis, et près de 200 associations ont bénéficié de nos accompagnements. »
Comment fonctionne Algorev ?
« Le bureau, composé de salariés d’Algoé, se réunit régulièrement pour traiter les demandes d’associations qui rentrent dans le spectre de nos actions. Nous intervenons surtout auprès de publics vulnérables. Une fois l’association choisie, nous faisons appel à des volontaires. Une des premières motivations à la création d’Algorev était bien sûr de faire du mécénat de compétences, mais aussi de créer du lien entre les consultants, les assistant-es et les alumnis retraités. Nous travaillons également le transfert de compétences en mixant les binômes pour fluidifier la transmission en interne, de façon différente. Le portage managérial reste une des clés du succès, le chef d’entreprise doit être convaincu de la cause et être en capacité d’embarquer ses manageurs. »
« Nous impliquons nos salariés »
Jean-Christophe Vincent, directeur général délégué stratégie et relations publiques Sixième sens immobilier
Comment sont structurées vos actions de mécénat ?
« Nous avons un fonds de dotation avec lequel nous sommes assez actifs et engagés sur notre territoire en matière d’actions sociales. Il a été mis en place pour mettre de la cohérence sur les sujets liés à nos actions de mécénat. »
Comment impliquez-vous vos salariés ?
« Nous avons un fonds de dotation avec lequel nous sommes assez actifs et engagés sur notre territoire en matière d’actions sociales. Il a été mis en place pour mettre de la cohérence sur les sujets liés à nos actions de mécénat. »
Comment impliquez-vous vos salariés ?
« L’idée est de s’affirmer comme une entreprise qui contribue à améliorer son territoire. Nous associons beaucoup nos salariés aux actions de mécénat pour leur faire comprendre le sens de ce que nous faisons. Quatre fois par an nous présélectionnons douze associations qui viennent présenter leurs projets à nos collaborateurs et ce sont eux qui choisissent d’attribuer tel ou tel prix. On leur demande aussi de nous faire remonter le nom d’associations qui auraient besoin de mécénat. »
Pourquoi le choix de ce fonds de dotation ?
« Pour donner de la cohérence et de la visibilité, mais aussi pour se doter d’un outil cadré. Nous sommes confrontés à des porteurs de projets passionnants qui défendent de belles causes. Quand on commence à être identifié comme un mécène significatif, on est de fait plus sollicités. Se doter d’un fonds de dotation permet de donner une ligne directrice. »
« Le mécénat n’est pas réservé aux grands groupes »
Pierre-Charles Lafond, associé gérant VBL Pro
« TPE de dix-sept personnes, nous avons découvert l’agence du don en nature par des connaissances et nous faisons don de produits depuis trois ans. C’est une bonne solution qui nous permet d’être en relation en direct avec plusieurs associations via un intermédiaire unique. Faire appel à cette agence est rassurant car nous savons que les produits vont réellement être utilisés. Nous donnons systématiquement des lignes complètes pour que ce soit plus intéressant pour les associations qui les recevront. Nous réfléchissons actuellement à impliquer les salariés dans la sélection des produits qui pourraient correspondre aux besoins de l’agence du don pour avoir une vraie cohérence. Si d’autres TPE comme la mienne faisaient la même chose, beaucoup d’associations pourraient être aidées. Chacun peut agir à son niveau car le mécénat n’est pas réservé aux grands groupes. »
» Des dons de jour de repos pour financer des œuvres sociétales «
Sylvain Aigloz, expert-comptable
Le don de jour de repos est né de la volonté commune de l’employeur associant ses salariés de mettre en œuvre un dispositif de solidarité sur la base du volontariat. Cette démarche doit être encadrée par accord collectif. Dans le cadre légal existant, les accords instituant cette solidarité concernent uniquement les salariés de l’entreprise. Les dispositions n’encadrent que le don de jours de repos au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise et dans des cas précis : exemple, don de jours de repos à un parent d’enfant malade.
Des dispositifs innovants
Pour aller plus loin, des entreprises pionnières se sont progressivement tournées vers d’autres mécanismes, instituant des dons de jours de repos pour le financement d’œuvres sociétales. Il faut citer ici l’Entreprise des Possibles, créée sous l’impulsion d’Alain Mérieux qui se propose de mobiliser un réseau d’employeurs associés à leurs salariés volontaires pour accompagner les associations œuvrant pour les personnes en grande précarité et les sans-abris sur la Métropole de Lyon. Les salariés peuvent faire don de jours de congés payés au profit de l’Entreprise des Possibles qui redistribue à 100 % les sommes collectées. Précisons qu’il s’agit de permettre le don des collaborateurs volontaires sur la base du principe « congés payés pas pris, congés perdus » à date d’échéance annuelle de la pose des congés payés. Chaque jour donné est valorisé monétairement et abondé par l’employeur.
À titre d’exemple, l’accord collectif du cabinet Orial prévoit un versement à l’Entreprise des Possibles équivalent au montant valorisé monétairement de l’abandon d’un jour de congés payé (charges comprises) majoré d’un abondement équivalent. Ainsi le versement est équivalent à deux jours de congés payés chargés. Les salariés donateurs volontaires ne peuvent pas aller au-delà de 2 jours par an. L’employeur pourra bénéficier d’une défiscalisation sur le montant de l’abondement dans le cadre de la loi du mécénat.
De manière pratique
Socialement
L’entreprise valorise chaque jour de congé selon la méthodologie habituelle : règle du 10e ou règle du maintien de salaire en prenant la plus favorable (article 3141-24 Code du travail) Rappel règle du 1/10e : le salarié perçoit une indemnisation de ses congés égale au 1/10e de la rémunération annuelle brute perçue sur la période d’acquisition du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1.
Par exemple pour un salaire de 30 000 euros brut, 30 000 x 1/10e = 3 000 euros. 3000/25 jours ouvrés = 120 euros valeur d’une journée de congés. Ce montant brut est équivalent au montant net transféré*
*En effet l’Urssaf considère que les jours non pris perdus perdent la nature de rémunération au sens de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale et que dans ce cadre les sommes versées à des associations caritatives par une entreprise en contrepartie de congés payés faisant l’objet d’un don volontaire de la part de salariés n’entrent pas dans l’assiette des cotisations et contributions sociales au sens du droit de la sécurité sociale (cf courrier réponse Urssaf 26/03/2019)
Comptablement
- Hypothèse de don valorisé à 1 500 €
- Charges salariales : 20%
- Charges patronales : 50%
- Compta du don à l’association
- Le don par le salarié passe en mécénat/dons aux œuvres
6 238 /512 : 1 500 € - L’abondement employeur 100 % du don du salarié
6 238/512 : 1 500 €
- Soit un total versé à l’association de 3 000 €
au titre du don
Fiscalement
Les retraitements suivants sont à réaliser pour la détermination du résultat fiscal (2058A), réintégration du montant de l’abondement (1500 euros) et déduction du crédit d’impôt
(1 500 x 0.6 = 900 euros).
Le crédit d’impôt doit être déclaré sur le Cerfa 2069.