Miser sur la richesse humaine

Marraine de la promotion 2020 des experts-comptables Auvergne-Rhône- Alpes, Sylvie Guinard dirige l’entreprise Thimonnier et ses 150 ans d’existence. Un parcours loin d’être tout tracé, une formation « dans le dur », comme elle aime à le dire, une mise sous tutelle et un redémarrage progressif, pour affirmer Thimonnier comme un acteur majeur dans le conditionnement souple de produits sensibles ayant besoin d’être protégés. Rencontre avec une chef d’entreprise au langage vrai, qui a su imposer son état d’esprit et sa vision sur un marché international très concurrentiel.

Si elle a longtemps rêvé d’être spationaute, Sylvie Guinard est aujourd’hui actionnaire majoritaire de l’entreprise familiale Thimonnier depuis 2013. « Mon parcours était loin d’être tracé puisque mon grand-père, qui tenait les rênes, voyait plutôt un ingénieur et un garçon pour sa succession. Le hasard des parcours professionnels m’a amenée à Lyon avec une expertise d’ingénieure d’affaires ; ce métier n’existe pas à l’époque sur la place lyonnaise et on m’a gentiment expliqué que si des recrutements étaient lancés, vu mon jeune âge, je n’avais en aucun cas le profil. J’étais donc partie dans un projet de création d’entreprise quand mon grand-père s’est rapproché de moi. Au vu de mon profil « ingénieur-mécanicien intéressé par la direction d’une entreprise », il m’a proposé d’intégrer l’entreprise familiale et de voir si la sauce prenait… et la sauce a très bien pris », explique Sylvie Guinard, sourire aux lèvres.

Après une arrivée en 2002 comme responsable de projets, puis responsable du bureau d’étude, elle prend la direction des affaires financières de 2006 à 2009. L’entreprise familiale souffre beaucoup, passant même sous protection du tribunal. « Les quatre premières années après mon arrivée, l’entreprise vit une vraie descente aux enfers. On passe de 120 personnes à moins de cinquante avec plusieurs plans de licenciement et une mise sous protection du tribunal. Mon grand-père est destitué et c’est un mandataire ad hoc qui prend le relais. On passe à deux doigts de la correctionnelle. Mon grand-père s’éloigne progressivement de l’entreprise. Commence alors un travail de fond pour remettre l’entreprise sur les rails. Nous n’avions pas le choix, il fallait remonter les manches et avancer. Comme un parcours initiatique, j’ai appris à gérer et à diriger dans le dur », raconte Sylvie Guinard.

De dirigeant à entrepreneur

Elle l’avoue clairement, l’une des étapes charnières restera celle où elle est passée de dirigeante à entrepreneure. L’élément déclencheur ? Il n’y en a pas vraiment. « Pour moi, le dirigeant est clairement positionné au niveau de la tête, avec une recherche d’optimisation et de rentabilisation de l’entreprise. Quand on est entrepreneur, on est dans un mode d’action complètement différent. La gestion ne s’arrête plus aux murs de l’entreprise, on interagit avec l’environnement extérieur et avec ses tripes. À cette époque, nous étions en croissance à deux chiffres et je passais beaucoup de temps à essayer d’expliquer et d’argumenter auprès des actionnaires plutôt que de mettre cette énergie dans le développement et auprès des équipes. À partir de 2011, j’ai commencé à discuter avec mes actionnaires pour vendre le capital et j’ai racheté l’entreprise en 2013. »

Une vision de l’entreprise basée sur la richesse humaine

Un rôle social, sociétal, économique mais aussi une façon de se réaliser dans une tranche de vie plus ou moins longue, la vision de l’entreprise de Sylvie Guinard est pétrie de bon sens. « L’entreprise est pour moi une entité à part entière, sur laquelle on ne laisse qu’une empreinte. Elle est une somme de compétences que l’on sait plus ou moins bien mettre en musique. Chez Thimonnier, nous avons une âme de technicien et d’excellence technologique importante. On aime faire de belles machines, c’est notre ADN. Nous sommes fiers de travailler pour une entreprise qui, par son expertise et sa spécialisation, peut protéger sanitairement l’humain, créer des poches pour sauver la vie des gens, permettre de transporter de l’eau dans le désert. Au-delà de l’aspect économique, c’est aussi important de se sentir acteur de quelque chose d’utile. C’est ce qui nous guide. » Miser sur la richesse humaine reste le maître-mot de Sylvie Guinard. Des mots qu’elle n’a pas manqué de reprendre lors de la prestation de serment. « Pour l’avoir vécu, je sais que l’expert-comptable est le véritable allié du chef d’entreprise. Vous êtes essentiels dans la stratégie mais aussi quand tout va mal. Votre métier, c’est de faire de la richesse humaine. »