Interview de Maître Nicolas BES, Avocat
En amont, quelles sont les premières procédures à envisager en cas de difficulté ?
« En fonction du degré de gravité de la situation économique, l’entrepreneur a la possibilité de recourir à un mandataire ad hoc ou à une conciliation. Ces procédures amiables et confidentielles traitent la dette financière de manière drastique et la reformatent, en lien avec les partenaires banquiers ou bailleurs. Les seules personnes au courant sont l’expert-comptable, l’avocat spécialisé, le président du TC et le mandataire. Ce huis clos fonctionne avec beaucoup de bienveillance et d’écoute. Si les fondamentaux sont bons, on arrive à bâtir des mandats ad hoc et des conciliations solides. Si les procédures amiables échouent, on entre alors dans une procédure judiciaire : sauvegarde, redressement et le cas échéant liquidation. Les procédures amiables trouvent actuellement leur âge d’or car elles cumulent beaucoup d’avantages, le tout traité au creux de l’oreille. »
Le regard sur les procédures collectives a-t-il changé ?
« Enclencher une procédure judiciaire n’est pas déshonorant. J’incite même souvent le client à communiquer dessus car dans cette procédure, on est protégé par la loi et les tribunaux, ce qui signifie qu’il y a de l’espoir. C’est positif. L’effet à court terme est très spectaculaire et on peut geler ses dettes sur une longue période (entre 5 et 10 ans). Bien sûr, il y a un côté judiciaire public, mais une fois qu’on y est, on navigue en eaux calmes et on peut travailler sereinement sur l’exploitation et non plus sur la dette. Le dirigeant redevient entrepreneur car le risque à court terme est passé. Le redressement judiciaire est la deuxième procédure. Bien préparé, bien expliqué en amont avec une comptabilité impeccable, il est souvent synonyme de rebond. Nous travaillons à dédramatiser l’échec. Dans la prévention, il faut expliquer qu’il vaut mieux baisser les bras proprement, comme la loi l’autorise, pour penser à renaître et faire autre chose. »
Quelles sont les autres possibilités ?
« Vendre des filiales, couper des branches d’activité, il est possible de se servir du dispositif français sur les faillites pour vendre son entreprise. On peut avoir l’idée, avant le tribunal, de la nécessité d’organiser la cession de son entreprise. Le « prepack cession » est une procédure confidentielle où l’entreprise est l’acteur de sa transmission sans dettes. Dans les mois qui viennent, ces procédures sont susceptibles d’avoir du succès car elles ouvrent le champ des possibles mais doivent être préparées. »
» Avoir le regard qui porte loin «
« Il y a vingt ans, 90 % de mes dossiers à traiter étaient liés à une difficulté financière consommée, avérée et caractérisée, nécessitant un geste juridique. Aujourd’hui, la donne est différente et les partenaires des entreprises œuvrent ensemble pour détecter au plus tôt les difficultés et envisager en amont des solutions avant qu’il ne soit trop tard. En période de remous, l’important reste la visibilité à très court terme et instantanée de son exploitation. C’est un fait, une visibilité économique et comptable à quinze jours est vitale. Plus l’entreprise est petite, plus la rentabilité est faible et plus il faut une vision raccourcie. Plus généralement, il faut avoir le regard qui porte loin pour tirer un trait moyen en fonction de ses limites et se tenir au plus près de ce trait. »
Des procédures sont-elles plus adaptées à certaines entreprises qu’à d’autres ?
« Tous les métiers qui nécessitent du besoin en fonds de roulement et ceux qui nécessitent beaucoup d’investissements comme dans l’industrie sont plus difficiles à redresser. Il faut agir vite. La sauvegarde permet de se mettre sous cloche mais je ne la conseille pas à tous mes clients. C’est une procédure très judiciaire dans laquelle, sans un expert-comptable, il est impossible de rentrer. »